Un propriétaire revendique une servitude de passage sur le fonds voisin appartenant à une SCI, en raison de l’enclavement de sa propriété résultant de la présence d’un panneau de sens interdit, sans restriction au profit des riverains, qui prohibe la circulation sur le chemin lui permettant d’accéder à la voie publique. La SCI oppose l’absence de décision administrative à l’origine de cette signalisation.
La cour d’appel reconnaît l’existence d’une servitude de passage pour cause d’enclave au motif que la SCI ne rapporte pas la preuve, qui lui incombe, de la véracité de ses allégations.
Censure de la Haute juridiction au visa des articles 682 et 1315, devenu 1353 du Code civil. En application de ces textes, il incombe au propriétaire qui revendique une servitude de passage pour cause d’enclave du fait d’un panneau d’interdiction de circuler d’établir, en cas de contestation, l’existence d’une décision administrative prescrivant cette interdiction. En reconnaissant l’existence de la servitude, la cour d’appel a inversé la charge de la preuve de l’état d’enclave invoqué en raison d’un obstacle juridique à l’accès à la voie publique.
À noter : Celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver (C. civ. art. 1353 issu de l’ord. 2016-131 du 10-2-2016, ancien art. 1315). Pour justifier la règle, un auteur relève à propos de la preuve des servitudes : « en ce qu'elle limite la liberté du débiteur, une obligation doit être prouvée (…), un droit réel démembré de la propriété également en ce qu'il limite la liberté du propriétaire » (Rép. civ. Dalloz, v. « Preuve : règles de preuve » par G. Lardeux, n° 226). Dit autrement, les immeubles étant en principe libres de tout droit accordé à des tiers, il revient à celui qui prétend bénéficier d’une servitude de passage sur la propriété voisine en raison de l’état d’enclave de son fonds de prouver cet état d’enclave.
La décision rapportée rappelle en outre que l’état d’enclave peut résulter d’un obstacle juridique à l’accès à la voie publique. L’enclave a ainsi été reconnue pour un fonds bordé par une route départementale à laquelle un certificat d’urbanisme interdisait tout accès direct, le propriétaire ne pouvant se voir contraint à exercer un recours à l’encontre de cet acte (Cass. 3e civ. 14-1-2016 n° 14-26.640 FS-PB). En l’espèce, la seule présence du panneau de signalisation ne suffisait pas à établir la preuve de l’obstacle juridique allégué. Le demandeur devait prouver l’existence d’une décision administrative à l’origine de l’installation du panneau. En estimant au contraire qu’il incombait à la SCI de rapporter la preuve de l’absence d’une telle décision, les juges d’appel ont inversé la charge de la preuve. Ils sont logiquement censurés.
Julie LABASSE
Pour en savoir plus sur cette question, voir Mémento Urbanisme-Construction n° 22805